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Justice : La CEDEAO valide la création d’un tribunal spécial pour juger les crimes de Yahya Jammeh

La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a donné son aval pour l’établissement d’un tribunal spécial destiné à juger les crimes perpétrés en Gambie sous la présidence de Yahya Jammeh, au pouvoir entre 1994 et 2017.

Yahya Jammeh, l’ancien dirigeant, aujourd’hui exilé en Guinée équatoriale, est accusé de graves violations des droits de l’homme. Cette décision est saluée comme une avancée majeure par les victimes et les organisations de défense des droits humains.

A en croire le ministère gambien de la Justice, ce tribunal garantira « justice et responsabilité pour les violations flagrantes des droits de l’homme enregistrées entre juillet 1994 et janvier 2017 ». Cette initiative marque une étape essentielle pour faire face à des décennies de répression et d’impunité dans le pays.

Crimes et condamnations : un bilan sombre

Cette initiative s’inscrit dans un contexte où plusieurs figures du régime Jammeh ont déjà été jugées à l’étranger. En mai dernier, Ousman Sonko, ancien ministre de l’Intérieur et proche collaborateur de Jammeh, a été condamné en Suisse à 20 ans de prison pour crimes contre l’humanité. Par ailleurs, en novembre 2023, un tribunal allemand a infligé une peine de réclusion à perpétuité à Bai Lowe, ancien membre des escadrons de la mort du régime, pour des crimes similaires.

Le gouvernement gambien avait approuvé, en 2022, les recommandations de la commission « Vérité, Réconciliation et Réparations », qui avait révélé des atrocités choquantes commises sous l’ère Jammeh : exécutions sommaires de 240 à 250 personnes, disparitions forcées, viols, actes de torture, détentions arbitraires, et même l’administration d’un faux traitement prétendu contre le sida. Face à ce lourd bilan, les autorités ont décidé de poursuivre 70 individus, avec Jammeh en tête de liste.

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Une avancée attendue, mais des obstacles subsistent

Depuis février 2023, la Gambie collabore avec la CEDEAO pour concrétiser ce tribunal spécial. Selon Reed Brody, de la Commission internationale des juristes, cette étape pourrait enfin offrir une justice tant attendue aux victimes. Il a toutefois souligné l’urgence de financer et de mettre en place ce tribunal rapidement, alors que de nombreux survivants vieillissent ou disparaissent.

« Les témoignages poignants recueillis par la commission de vérité ont profondément marqué les Gambiens et le monde entier. Il est crucial que justice soit rendue », a déclaré Brody. Cependant, le processus reste semé d’embûches, notamment en raison de l’absence d’un accord d’extradition entre la Gambie et la Guinée équatoriale, où Yahya Jammeh bénéficie de la protection du président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo.

Vers une justice régionale

Adama Barrow, actuel président gambien, avait exprimé son soutien à la création d’un tribunal « hybride » combinant juges gambiens et internationaux, dans un discours en février 2023. « Nous proposons un cadre judiciaire spécial pour juger les auteurs de crimes internationaux », avait-il affirmé.

Malgré ces efforts, l’influence persistante de Jammeh sur une partie de la population gambienne complique encore la transition démocratique du pays. L’avenir de ce tribunal dépendra de la capacité des acteurs régionaux et internationaux à surmonter ces défis pour garantir que les responsables des crimes de l’ère Jammeh rendent enfin des comptes.

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