
Les émeutes à Torre Pacheco, dans le sud-est de l’Espagne, ont débuté vendredi dernier après l’agression d’un retraité de 68 ans par trois jeunes hommes d’origine nord-africaine. Cette ville de plus de 40 000 habitants, située dans la région de Murcie, a connu plusieurs nuits de violences urbaines, notamment des « chasses » aux immigrés nord-africains.
Torre Pacheco, ville située près de Valence, connait depuis vendredi 11 juillet des violences racistes inédites. Dans cette région, où un tiers de la population est d’origine étrangère, des émeutes ont éclaté après l’agression d’un sexagénaire à la retraite. L’agression a d’autant plus choqué qu’elle semble gratuite, selon la victime. Il a expliqué à la télévision avoir été pris à partie gratuitement par trois jeunes d’origine nord-africaine. Rien ne lui a été volé mais il est ressorti avec le visage tuméfié. Une dizaine de personnes ont déjà été interpellées. Des rassemblements sont annoncés ce mercredi 16 juillet, soir, et dans les prochains jours.
Dans cette petite ville habituellement paisible, des groupuscules d’ultra-droite sont venus de tout le pays, s’attaquant violemment aux habitants. Leur cible: des migrants Nord-africains. Plusieurs individus ont déjà été arrêtés, mais la tension ne cesse de monter malgré l’intervention de la Guardia Civil, police espagnole. Des contrôles systématiques de voitures à l’entrée de la ville ont été mis en place afin de limiter les débordements. Les coupables n’ont pour l’heure pas été formellement identifiés, mais trois personnes ont été interpellées dans le cadre de l’enquête. Selon la déléguée du gouvernement dans la région de Murcie, il s’agit de deux « immigrés » n’habitant pas à Torre Pacheco et d’une troisième personne arrêtée au Pays basque (nord) « alors qu’il se dirigeait vers la France. »
Un rassemblement à l’origine pacifique qui prend de l’ampleur
Torre Pacheco est une ville essentiellement tournée vers la production de fruits et légumes, où 30% de la population est constituée d’immigrés venus pour la plupart travailler dans ce secteur. Après ce fait divers, le maire de la ville a donc voulu calmer rapidement les esprits en organisant vendredi un rassemblement pacifique en soutien à la victime.
Mais rien ne s’est déroulé comme prévu. Des groupuscules d’extrême droite se sont infiltrés et ont diffusé des slogans anti-immigrés et ont tenté de lyncher de jeunes Marocains. L’un de ces groupes, baptisé « Deport them now » (« Déportez-les maintenant »), a appelé sur Telegram à une chasse aux personnes d’origine nord-africaine, accusées d’être complices des agresseurs.
La situation s’est alors envenimée: des groupes d’extrême droite organisés sont venus d’autres villes pour insulter, traquer et se battre avec des personnes supposément d’origine maghrébine. La ville a connu deux nuits d’émeutes durant le week-end, malgré un important dispositif policier. Des affrontements ont eu lieu avec des agents qui tentaient de protéger des personnes ciblées. De nombreuses images ont été diffusées sur les réseaux sociaux.
Une occasion rêvée pour l’extrême-droite ?
Instrumentalisée par des groupes d’extrême droite, et notamment le parti Vox, avec des appels à la haine diffusés sur Telegram, l’affaire Torre Pacheco révèle une dynamique familière dans plusieurs pays européens : celle où les faits divers deviennent des catalyseurs de discours racistes et sécuritaires.
Selon le quotidien madrilène El Pais, « l’extrême droite a profité de l’agression d’un homme âgé pour associer l’immigration à la criminalité et à la violence, accusant le gouvernement de ne pas assurer la sécurité dans les rues ».
De son côté, le parti Vox, connu pour ses positions anti-immigration et nationalistes, « jette de l’huile sur le feu ». Son responsable régional, José Ángel Antelo, a lui-même participé à une manifestation à Torre Pacheco, samedi, incitant les habitants à se défendre, et liant « une fois de plus » insécurité et immigration. « Nous ne voulons pas de ces gens-là dans nos rues ni dans notre pays. Nous allons tous les expulser : il n’en restera pas un seul », a-t-il déclaré. De quoi relancer le sujet de l’immigration sur le terrain des affrontements politiques.